Om Aline et Valcour
Nous soupâmes hier, Eugénie et moi, chez ta divinité, mon cher Valcour.... Que faisais- tu?... Est-ce jalousie?... Est-ce bouderie?... Est-ce crainte?... Ton absence fut pour nous une énigme, qu'Aline ne put ou ne voulut pas nous expliquer, et dont nous eûmes bien de la peine à comprendre le mot. J'allais demander de tes nouvelles, quand deux grands yeux bleus respirant à la fois l'amour et la décence, vinrent se fixer sur les miens, et m'avertir de feindre.... Je me tus; peu après je m'approchai; je voulus demander raison du mystère. Un soupir et un signe de tête furent les seules réponses que j'obtins. Eugénie ne fut pas plus heureuse; nous ne pressâmes plus; mais madame de Blamont soupira, et je l'entendis: c'est une mère délicieuse que cette femme, mon ami; je doute qu'il soit possible d'avoir plus d'esprit, une âme plus sensible, autant de grâces, dans les manières, autant d'aménité dans les moeurs. Il est bien rare qu'avec autant de connaissances, on soit en même-tems si aimable. J'ai presque toujours remarqué que les femmes instruites ont dans le monde une certaine rudesse, une sorte d'apprêt qui fait acheter cher le plaisir de leur société. Il semble qu'elles ne veuillent avoir de l'esprit que dans leur cabinet, ou que n'en trouvant jamais assez dans ceux qui les entourent, elles ne daignent pas s'abaisser, jusqu'à montrer celui qu'elles possèdent.
Vis mer